Le Mandat.


Le mandat n’est pas neutre.
Il n’est jamais qu’un mot juridique.
Le mandat est une promesse faite aux autres
par ceux qui détiennent le pouvoir de décider.
Une promesse de protection.
Une promesse d’accès.
Une promesse de dignité.
Mais l’histoire montre que le mandat est souvent donné
sans être accompagné des moyens de l’exercer.

En 1968, dans Le Mandat,
Ousmane Sembène raconte l’histoire d’un homme
à qui l’on reconnaît un droit
sans lui donner les clés pour y accéder.
Le droit existe.
La procédure l’en empêche.
Ce récit n’est pas une fiction isolée.
Il est une métaphore mondiale.

Le droit international des droits humains affirme des principes universels.
Il proclame l’égalité.
La protection des civils.
Le droit de vivre en paix.
Le droit à la dignité.
Mais le droit ne s’épuise pas dans les textes.
Il se mesure à son effectivité.
Or l’effectivité du droit reste inégale.
Elle dépend des frontières.
Des rapports de force.
Des héritages coloniaux.
De la race, de la langue, du statut, de la mobilité.
Le mandat est proclamé.
Son application est sélective.

La violence ne commence pas avec les armes.
Elle commence quand certaines vies sont considérées comme secondaires.
Quand certaines guerres deviennent périphériques.
Quand certaines souffrances sont rendues abstraites.
Quand le droit reconnaît,
mais ne protège pas.

Ce site naît de cet écart.
Entre la norme et la réalité.
Entre la promesse et l’expérience vécue.
Entre le droit écrit et les corps exposés.
On met en regard
les textes censés protéger
et les vies qu’ils laissent sans recours.
On documente ce que le langage juridique ne nomme pas toujours.
Les silences.
Les lenteurs.
Les abandons.

La culture n’est pas un supplément au droit.
Elle est une archive quand les institutions échouent.
Les récits, les films, les images, les gestes transmis
portent une vérité que le droit ignore parfois.
Ils racontent la continuité humaine
là où la guerre tente de produire la rupture.
Créer devient une forme de résistance.
Transmettre devient une obligation politique.

Le Mandat est une archive vivante.
Un espace où le droit international humain
dialogue avec les cultures, les mémoires, les récits situés.
Ici, la culture n’est pas esthétisée.
Elle est documentée comme preuve.
Preuve de dignité.
Preuve de persistance.
Preuve que la destruction n’est jamais totale.

On ne parle pas à la place.
On recueille.
On relie.
On transmet.
On refuse que l’inaccessibilité du droit devienne normale.
On refuse la hiérarchie des vies.
On refuse que l’universalité soit conditionnelle.

Le Mandat n’est ni un hommage,
ni une consolation.
C’est un geste politique.
Un travail de mémoire active.
Un refus de l’effacement juridique et culturel
comme mode de gouvernement du monde.

Le Mandat existe parce que
un droit sans accès n’est pas un droit.
Une promesse sans application n’est pas une protection.
Et parce que ce qui disparaît juridiquement
disparaît souvent culturellement.

Le Mandat
parce que la responsabilité a déjà été confiée.
Et qu’elle reste à honorer.